L’alimentation joue un rôle clé dans notre santé. Si l’on sait que la consommation d’aliments transformés n’est pas idéale, pourrait-elle également favoriser l’apparition ou l’aggravation du psoriasis ? C'est en tout cas ce qu'une nouvelle étude scientifique suggère. Décryptons ensemble cette question.

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- La sévérité du psoriasis est-elle liée à la consommation d'aliments ultra-transformés ?
La sévérité du psoriasis est-elle liée à la consommation d'aliments ultra-transformés ?
- Aliments ultra-transformés : un facteur aggravant du psoriasis ?
- Le régime méditerranéen, bénéfique en cas de psoriasis ?
- Sources
2 à 4%
d'adultes souffrent de psoriasis dans le monde.
≈ 31%
des apports énergétiques quotidiens des Français proviennent d'aliments ultra-transformés.
≈ 50%
des apports énergétiques quotidiens des Américains proviennent d'aliments ultra-transformés.
Aliments ultra-transformés : un facteur aggravant du psoriasis ?
Biscuits, plats cuisinés, desserts lactés... Les aliments ultra-transformés ont envahi notre quotidien. D'après l'INSERM, en 2024, ils comptaient pour près d'un tiers de nos apports caloriques journaliers. Toutefois, s'ils séduisent par leur praticité et leur goût, leurs caractéristiques nutritionnelles laissent à désirer et soulèvent de nombreuses inquiétudes quant à leurs effets sur la santé. De fait, de nombreuses études ont mis en évidence le lien entre une alimentation riche en produits ultra-transformés et l’augmentation des risques de maladies chroniques. Obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires et même certaines formes de cancer sont associées à ces aliments pauvres en nutriments mais riches en sucres raffinés et en graisses saturées, qui sont des composés pro-inflammatoires. D'après une étude récente menée par la dermatologue Émilie SBIDIAN et son équipe, les aliments ultra-transformés pourraient également jouer un rôle dans le psoriasis.
Pour parvenir à ce constat, les chercheurs ont examiné les profils de plus de 18 528 personnes âgées de plus de 15 ans et inscrites sur la base de donnée NutriNet-Santé entre 2021 et 2022. Parmi elles, 1 825 étaient atteintes de psoriasis et 803 présentaient une forme active de la maladie. L'apport quotidien d'aliments ultra-transformés en milligrammes (mg) a été demandé aux participants, mais non-communiqué dans l'étude, et les chercheurs ont ensuite ajusté leurs analyses en fonction de plusieurs facteurs de risque, tels que l’âge, la consommation d'alcool, l’indice de masse corporelle (IMC) et la présence d’autres pathologies. Trois groupes ont été formés, selon leur consommation en aliments ultra-transformés : consommation faible, moyenne et importante. Une corrélation a été trouvée entre la présence de psoriasis et un régime alimentaire riche en aliments ultra-transformés.
Les personnes présentant un psoriasis actif avaient 36% plus de risques de figurer parmi les plus gros consommateurs d'aliments ultra-transformés, comparées à celles sans psoriasis.
Bien que l’étude ne démontre pas un lien direct de cause à effet, seulement une corrélation, elle ouvre des perspectives intéressantes. Les résultats semblent en effet indiquer que l’association entre le psoriasis et la consommation d'aliments ultra-transformés ne se limite pas à l'impact de cette dermatose sur le diabète de type 2 et les maladies cardiovasculaires. Ils suggèrent plutôt que les additifs et les processus de transformation des produits jouent un rôle potentiel dans l’aggravation de l’inflammation. Plusieurs travaux ont d'ailleurs montré une association entre la consommation d'aliments ultra-transformés et des niveaux élevés de protéines C-réactives haute sensibilité (hs-CRP) et du facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α), des marqueurs de l'inflammation.
Une des hypothèses que l'on pourrait avancer concerne la forte teneur en glucides des aliments ultra-transformés. Après leur ingestion, ces glucides entraînent un pic d’insuline, une hormone connue pour favoriser des processus pro-inflammatoires. L’insuline stimule notamment la production de l'interleukine-6 (IL-6), une cytokine pro-inflammatoire, et peut également activer la voie du facteur de croissance de type insuline (IGF-1), impliqué dans la prolifération des kératinocytes. Or, le psoriasis étant une maladie inflammatoire chronique caractérisée par une prolifération excessive des kératinocytes et une activation du système immunitaire, ce phénomène pourrait contribuer à un cercle vicieux. Une alimentation riche en glucides favoriserait un état inflammatoire persistant qui pourrait exacerber les poussées de psoriasis.
Il est néanmoins important de noter que l’étude présente plusieurs limites, énoncées par les chercheurs eux-mêmes. Tout d’abord, rappelons que les cas de psoriasis ont été auto-déclarés, ce qui peut entraîner des erreurs de classification. De plus, la nature transversale de l’étude ne permet pas d’établir un lien de causalité : il est impossible de savoir si la consommation élevée d’aliments ultra-transformés précède ou résulte des poussées de psoriasis. Une autre limite réside dans l’absence de précision concernant un apport élevé ou faible en aliments ultra-transformés, rendant l’interprétation des résultats plus difficile.
Pour mieux comprendre le rôle des aliments ultra-transformés dans le développement du psoriasis, des études prospectives à grande échelle sont encore nécessaires.
Le régime méditerranéen, bénéfique en cas de psoriasis ?
Bien qu’il n’y ait pas de régime méditerranéen unique, chaque pays possédant des pratiques culinaires qui lui sont propres, la cuisine méditerranéenne possède certains traits distinctifs et est notamment caractérisée par la place prédominante occupée par les aliments d’origine végétale, tels que les fruits, les légumes, les légumineuses, les noix ou les graines. La plupart des professionnels de santé s'accordent à dire que le régime méditerranéen est bénéfique pour le corps et peut aider à soutenir la fonction cérébrale, à promouvoir la santé cardiovasculaire et à réguler la glycémie. Il pourrait également avoir un effet protecteur en cas de psoriasis.
Une étude menée auprès de 257 adultes atteints de psoriasis qui ont répondu à une enquête en ligne a en effet montré une corrélation inverse entre l'adhésion à un régime alimentaire riche en fruits et légumes et la sévérité du psoriasis. En plus de répondre à des questions sur leur alimentation, les participants ont évalué la gravité de leurs lésions à l'aide d'un système de notation considérant l'aspect du psoriasis, les symptômes ressentis et son impact psychologique. Les scientifiques ont ensuite procédé à des ajustements statistiques afin de prendre en compte les caractéristiques démographiques des volontaires, mais aussi leur âge, leur sexe, leur statut tabagique, leur taille, leur poids, le traitement qu'il suivait actuellement et leurs éventuelles comorbidités associées.
Les principales conclusions de l'étude indiquent que les personnes n'adhérant pas ou peu à un régime alimentaire méditerranéen sont plus susceptibles de déclarer un psoriasis plus sévère.
Il convient toutefois de nuancer ces résultats. L’étude repose exclusivement sur des données auto-déclarées, tant pour les habitudes alimentaires que pour l’évaluation de la sévérité du psoriasis. Ce type de méthodologie peut induire certains biais, liés à la perception subjective des symptômes ou à une mémoire alimentaire imparfaite. De plus, il ne s’agit pas d’un suivi à long terme mais d’une enquête à un instant donné, ce qui rend difficile l'établissement d'un lien de causalité entre le régime méditerranéen et les symptômes du psoriasis. Il serait intéressant que des études cliniques de grande envergure, contrôlées et menées pendant un temps long confirment ou non ces observations.
Comment expliquer ces résultats ?
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer le potentiel effet protecteur potentiel du régime méditerranéen sur la sévérité du psoriasis. L’une d’elles repose sur l’action anti-inflammatoire des aliments qui le composent. En effet, les fruits, légumes et huiles de ce régime alimentaire sont riches en polyphénols, des composés capables de moduler l'inflammation, notamment en réduisant la libération de l'IL-6 et de la CRP. Par ailleurs, les acides gras insaturés présents en grande quantité dans ce régime, notamment les omégas-3 issus des poissons gras et de l’huile d’olive, jouent un rôle clé dans la régulation des réponses immunitaires. Des études ont montré que les omégas-3 peuvent inhiber l’activation des kératinocytes et limiter l’infiltration des cellules immunitaires dans la peau, deux processus impliqués dans la formation des plaques psoriasiques.
Il est toutefois important de noter que ces effets ont été principalement observés dans des études in vitro où les concentrations d'omégas-3 utilisées étaient nettement supérieures à celles que l'on peut obtenir par une consommation alimentaire classique, même dans des aliments riches en omégas-3, comme les poissons gras ou les huiles végétales. De plus, dans ces aliments, les omégas-3 sont rarement isolés : ils sont en interaction avec d'autres nutriments, tels que des antioxydants, des protéines ou encore d'autres acides gras, qui peuvent moduler leur biodisponibilité et leurs effets biologiques. Il est donc difficile de conclure que la consommation d’omégas-3 via l’alimentation aura les mêmes effets que ceux observés in vitro. Le plus important reste de maintenir l’homéostasie dans l’organisme en adoptant une alimentation équilibrée, riche en nutriments variés, et en favorisant un mode de vie sain, incluant une activité physique régulière, qui contribue également à moduler l’inflammation et à préserver la santé globale.
Pour confirmer que les conseils diététiques peuvent jouer un rôle dans la prise en charge du psoriasis, la prochaine étape consiste à réaliser un essai clinique contrôlé.
Sources
ASHCROFT D. & al. Global epidemiology of psoriasis: A systematic review of incidence and prevalence. Journal of Investigative Dermatology (2013).
LEVY R. B. & al. Consumption of Ultra-Processed Food and Its Association with Sociodemographic Characteristics and Diet Quality in a Representative Sample of French Adults. Nutrients (2021).
CHANG V. W. & al. Ultra-processed food consumption among US adults from 2001 to 2018. The American Journal of Clinical Nutrition (2022).
BALATO A. & al. Metabolic syndrome and psoriasis: Pivotal roles of chronic inflammation and gut microbiota. International Journal of Molecular Sciences (2024).
INSERM. C’est quoi un aliment ultra-transformé ? (2024).
SBIDIAN E. & al. Ultraprocessed food intake and psoriasis. JAMA Dermatology (2025).
ZANESCO S. & al. Associations between diet quality indices and psoriasis severity: results from the Asking People with Psoriasis about Lifestyle and Eating (APPLE) cross-sectional study. British Journal of Nutrition (2025).
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