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Interdiction TPO vernis à ongles.

Pourquoi le TPO, très présent dans les vernis semi-permanents, est désormais interdit ?

C’est une petite révolution pour les prothésistes ongulaires : le TPO (oxyde de diphényl triméthylbenzoyl phosphine), utilisé dans les vernis à ongles, est interdit depuis le 1er septembre 2025. Pointé du doigt pour sa toxicité, il doit être remplacé par des alternatives plus sûres. Quels sont les enjeux derrière cette décision et comment impacte-t-elle les consommateurs ? Voici plus d'informations.

Publié le 21 octobre 2025, mis à jour le 21 octobre 2025, par Pauline, Ingénieure chimiste — 11 min de lecture

L'essentiel à retenir.

  • Le TPO est un photoinitiateur qui permet aux vernis semi-permanents de durcir sous lampe UV ou LED.

  • Le TPO est désormais classé toxique pour la reproduction et interdit dans les cosmétiques depuis le 1er septembre 2025.

  • Les travaux scientifiques ont montré une toxicité développementale et reproductive chez le rat et le lapin, ainsi qu’une cytotoxicité et phototoxicité in vitro sous irradiation lumineuse. Aucune étude n'a néanmoins été faite in vivo et la capacité de pénétration du TPO dans l'ongle n'a pas été examinée.

  • Suite à l'interdiction du TPO (INCI : Trimethylbenzoyl Diphenylphosphine oxide) dans les vernis à ongles, les industriels vont devoir s'adapter. Parmi les alternatives, on trouve par exemple le BAPO (INCI : Bis-Trimethylbenzoyl Phenylphosphine Oxide) et le TPO-L (INCI : Ethyl Trimethylbenzoyl Phenylphosphinate).

  • Pour plus de sûreté, il est recommandé aux consommateurs de vérifier la composition des produits qu'ils utilisent.

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Quel est le rôle du TPO dans les vernis à ongles ?

L'oxyde de diphényl triméthylbenzoyl phosphine (TPO) est un composé chimique appartenant à la famille des photoinitiateurs. Sa fonction principale consiste à déclencher la polymérisation des gels appliqués sur les ongles lorsqu’ils sont exposés à une lampe UV ou LED. En d’autres termes, c’est grâce au TPO que les vernis semi-permanents durcissent rapidement et acquièrent leur résistance si appréciée. Cette propriété a largement contribué au succès de ces produits dans les salons de manucure, puisqu’elle permet d’obtenir une tenue longue durée des vernis, souvent de deux à trois semaines, sans écaillement.

Structure chimique du TPO.

Structure chimique du TPO.

Source : PubChem.

Jusqu’à récemment, l’usage du TPO était strictement encadré par la réglementation cosmétique. Il n’était autorisé qu’en contexte professionnel, dans les préparations pour ongles, et à une concentration maximale de 5%. Cette restriction visait déjà à limiter l’exposition des consommateurs et des prothésistes ongulaires au TPO, tout en maintenant l’efficacité technique des vernis semi-permanents. Malgré ces précautions, le TPO est resté omniprésent dans les formules, au point de devenir l’un des ingrédients phares des vernis semi-permanents. C’est précisément cette dépendance des industriels à cette molécule qui rend son interdiction d’autant plus significative pour le secteur.

Pourquoi le TPO a-t-il été interdit ?

En mai 2025, le règlement européen dit Omnibus VII a introduit une nouvelle série de restrictions dans les produits cosmétiques. Parmi elles, figure l’interdiction du TPO, désormais classé comme CMR de catégorie 1B, c'est-à-dire toxique pour la reproduction. Concrètement, cette classification signifie que le TPO est suspecté d’altérer la fertilité ou d’avoir des effets nocifs sur le développement embryonnaire et fœtal. Depuis le 1er septembre 2025, il est donc interdit de mettre sur le marché des produits cosmétiques contenant du TPO, mais également de les distribuer ou de les utiliser dans le cadre d’une prestation professionnelle. La mesure s’applique avec effet immédiat, obligeant les prothésistes ongulaires à renouveler rapidement leurs stocks.

Qu'est-ce que le règlement européen Omnibus ? Ce règlement actualise chaque année la liste des substances autorisées ou interdites dans les cosmétiques. Le septième volet, publié en mai 2025, interdit le TPO et d’autres actifs jugés préoccupants, pour adapter en continu la réglementation.

Cette interdiction s’inscrit dans un contexte plus large de vigilance sanitaire autour des produits de manucure. Déjà en 2023, l’Académie nationale de médecine avait alerté sur les risques potentiels liés à l’utilisation des lampes UV et LED, indispensables au durcissement des vernis semi-permanents. L’interdiction du TPO ne résout donc pas toutes les problématiques de sécurité associées aux vernis semi-permanents, mais elle illustre la tendance croissante à réévaluer régulièrement les substances cosmétiques à la lumière des nouvelles données scientifiques.

Toxicité du TPO : que disent les études scientifiques ?

L’interdiction du TPO repose sur un corpus d’études toxicologiques ayant mis en évidence un risque pour la reproduction et le développement embryonnaire. Chez le rat, une étude de toxicité a montré que l’exposition orale au TPO à des doses de 500 mg/kg/j induisait une baisse significative du gain de poids maternel, accompagnée d’anomalies fœtales, notamment des membres postérieurs fléchis et une ossification incomplète. Dans une étude complémentaire de reproduction sur une génération, les mâles exposés à partir de 200 mg/kg/j présentaient une diminution de la spermatogenèse ainsi qu’une altération histologique des testicules. Les femelles exposées montraient une réduction du nombre de portées viables. Ces données ont conduit à établir une dose sans effet nocif observable (DSENO, ou NOAL en anglais) de 60 mg/kg/j et à classer le TPO comme substance toxique pour la reproduction.

Bien qu'intéressante, cette étude montre une toxicité orale du TPO et non percutanée. Par ailleurs, les doses administrées aux rats étaient très importantes, bien supérieures à la concentration maximale utilisée dans les cosmétiques, et donc potentiellement non représentatives.

Point définitions.

  • Cytotoxicité : Capacité d’une substance à tuer ou endommager les cellules, réduisant leur viabilité ou provoquant leur mort.

  • Mutagénicité : Capacité d’une substance à provoquer des mutations dans l’ADN, pouvant entraîner des altérations génétiques.

  • Phototoxicité : Effet toxique d’une substance lorsqu’elle est exposée à la lumière, souvent par production de radicaux libres.

  • DSENO (Dose Sans Effet Nocif Observable) : Dose maximale à laquelle aucun effet nocif n’est observé dans une étude toxicologique.

  • Apoptose : Mort cellulaire programmée, processus naturel permettant l’élimination de cellules endommagées.

  • Voie JNK (c-Jun N-terminal kinase) : Une voie de signalisation intracellulaire activée par le stress, pouvant déclencher l’apoptose.

Concernant la génotoxicité et le potentiel cancérogène de l'oxyde de diphényl triméthyl benzoyl phosphine, les résultats sont plus nuancés. Plusieurs batteries de tests in vitro n’ont montré aucune mutagénicité directe du TPO. Parmi eux, le test d’Ames qui évalue la capacité d’une substance à provoquer des mutations dans différentes souches de Salmonella typhimurium ; les essais d’aberrations chromosomiques sur cellules de hamster qui détectent des altérations de la structure des chromosomes ; et les tests de mutations sur fibroblastes murins qui vérifient si une molécule peut provoquer des mutations dans les gènes des cellules de souris. Ces résultats suggèrent que la molécule ne se comporte pas comme un mutagène classique, capable d’induire directement des altérations de l’ADN.

D’autres travaux menés sur des lignées cellulaires humaines ont mis en évidence une cytotoxicité dose-dépendante. Par exemple, dans des cultures de fibroblastes pulmonaires humains, une exposition à des concentrations de 25 à 50 µM a entraîné une diminution marquée de la viabilité cellulaire et une augmentation de la fragmentation de l’ADN, traduisant une apoptose.

ModèleExposition / DoseEffets observésConclusion
Rats, femelles gestantes6 – 20 jours, 500 mg/kg/jBaisse de gain de poids maternel, membres fléchis chez les fœtusToxicité développementale à haute dose
Rats, étude reproduction sur une génération0, 60, 200, 600 mg/kg/jDiminution de la fertilité à 200 et 600 mg/kg, anomalies testiculaires chez mâlesToxique pour la reproduction
Tests d’Ames (S. typhimurium)Jusqu’à 5 000 µg/plateauPas de mutagénicitéNon-génotoxique in vitro classique
Fibroblastes humains (HEK293T, HUVEC-12, L02, lymphocytes) 1 – 50 µM, 24hCytotoxicité dose-dépendante, baisse de la viabilité à ≥ 25 µMCytotoxique in vitro à fortes concentrations
Fibroblastes humains sous irradiation UV/LED5 – 20 µMLibération radicaux libres, activation JNK, apoptose mitochondrialePhototoxicité marquée sous lumière
Les principales études toxicologiques sur le TPO.

Toutefois, ces différentes études ont été menées in vitro ou portent sur les effets d’une administration orale chez le rat. Elles ne permettent donc pas d’évaluer la capacité de pénétration du composé dans l’ongle, un milieu particulièrement imperméable. Dans ce cas, la diffusion représente un double défi : traverser d’abord la structure kératinisée de l’ongle, puis atteindre la peau sous-jacente. À ce jour, il reste donc incertain que le TPO puisse pénétrer efficacement cette barrière et passer ensuite dans la circulation sanguine.

Un élément particulièrement préoccupant concerne le potentiel phototoxique du TPO. Comme il est utilisé dans les vernis semi-permanents en association avec des lampes UV ou LED, plusieurs chercheurs ont étudié ses effets sous irradiation. Des expériences ont montré que, sous lumière UV (405 nm, donc proche des longueurs d'onde utilisées en salon, qui sont entre 315 et 400 nm), le TPO pouvait libérer des radicaux libres, générant un stress oxydatif important. Cela a été montré à des temps d'exposition courts (entre 1 et 15 minutes), correspondant aux durées d'exposition en salon (< 10 minutes). Ce stress active des voies de signalisation intracellulaire, notamment la voie JNK et les caspases mitochondriales, entraînant une apoptose cellulaire. Si certains auteurs évoquent une application potentielle en photothérapie anticancéreuse expérimentale, ces résultats renforcent surtout l’idée que le TPO peut devenir problématique lorsqu’il est activé par une source lumineuse, un contexte qui correspond précisément à son usage dans les vernis semi-permanents.

Les effets de l'exposition du TPO à une source lumineuse.

Les effets de l'exposition du TPO à une source lumineuse.

Source : XIAO P. & al. Photoinduced free radical‑releasing systems and their anticancer properties. Photochemical & Photobiological Sciences (2022).

Toutefois, cette phototoxicité du TPO a été démontrée in vitro, et non in vivo, ce qui limite à nouveau les conclusions.

Quelles sont les alternatives au TPO ?

Avec l’interdiction du TPO, les professionnels de l’onglerie doivent rapidement adapter leurs pratiques. Plusieurs industriels ont anticipé cette évolution réglementaire et proposent désormais des vernis semi-permanents reformulés, utilisant des photoinitiateurs alternatifs considérés comme plus sûrs. Parmi les options légales figurent par exemple le BAPO (bisacylphosphine oxide) et le TPO-L, une version modifiée du TPO moins toxique, qui permettent de conserver la fonction de durcissement sous lampe UV ou LED sans exposer les utilisateurs aux risques identifiés du TPO. Il est également recommandé pour les consommateurs de vérifier la composition des produits utilisés en salon et l'absence de TPO sur la liste d'ingrédients (INCI : Trimethylbenzoyl Diphenylphosphine Oxide).

Enfin, il faut garder à l'esprit que la sécurité ne se limite pas au choix du photoinitiateur. L’usage des lampes UV/LED doit être maîtrisé et le temps d'exposition doit être limité.

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