Alors même que le salicylate d'octyle fait partie des filtres solaires les plus utilisés, son profil de tolérance est de plus en plus critiqué. Voici les différents griefs retenus contre lui :
Le salicylate d'éthylhexyle, un filtre solaire irritant ?
Sur le plan dermatologique, l’octisalate est un filtre considéré comme plutôt bien toléré, avec un potentiel allergisant faible. Une étude de référence, menée en 2012 par The European Multicentre Photopatch Test Study, a évalué la réactivité cutanée à différents filtres UV chez un large panel de participants. Cette étude, qui portait sur 1 031 volontaires, n'a enregistré que 2 réactions au salicylate d'éthylhexyle, soit un taux de réaction de 0,19%. Les symptômes observés étaient des rougeurs localisées, sans réactions systémiques. Notons aussi que l'octisalate n'est pas connu pour être un photoallergène, c'est-à-dire que, suite à son application et à une exposition aux UV, il est rare que des réactions allergiques soient rapportées.
L'octisalate peut-il franchir la barrière cutanée ?
La question de l'absorption cutanée et de la distribution systémique du salicylate d'octyle suscite un intérêt croissant, notamment dans le cadre des débats sur les effets endocriniens potentiels de certains filtres organiques. Dans une étude menée sur six volontaires, la pénétration du salicylate d’éthylhexyle a été évaluée à l’aide de la méthode du tape-stripping, qui permet d’analyser la concentration du composé à différents niveaux de la couche cornée. Deux types de formulations ont été testées : un gel en émulsion huile-dans-eau, et une base de gelée de pétrole.
Avec la formulation en émulsion, environ 25,6% de la dose appliquée a été retrouvée dans la couche cornée.
Avec la gelée de pétrole, cette proportion chutait à 11%.
Les auteurs ont observé que la concentration dans la partie superficielle de la couche cornée était significativement plus élevée avec l'émulsion que la gelée, tandis que la concentration dans les couches plus profondes restait modérée mais toujours supérieure à celle de la gelée. Ces résultats suggèrent que la galénique a un impact direct sur le niveau de pénétration du salicylate d’octyle, sans toutefois permettre de conclure à une absorption systémique significative.
Une autre étude a tenté d’évaluer l’absorption systémique de formulations solaires contenant plusieurs filtres chimiques, dont le salicylate d’éthylhexyle à 5%. Le produit a été appliqué généreusement sur l’ensemble des avant-bras de neuf volontaires, sans occlusion, puis retiré après 12 heures. Des analyses urinaires effectuées jusqu’à 48 heures après l’application ont permis d’estimer que seulement 1 à 2% de la formulation totale avait été absorbée. Toutefois, l'étude n'a pas précisé la proportion de chaque filtre UV contenu dans la formule (avobenzone, octocrylène, octisalate et méthoxycinnamate d'éthylhexyle), ce qui empêche de déterminer la part attribuable au salicylate d’octyle.
Le salicylate d'éthylhexyle est-il un perturbateur endocrinien ?
L'octisalate est également soupçonné de perturber le système endocrinien et de pouvoir interagir avec les récepteurs hormonaux, notamment ceux des œstrogènes. Dans le cas du salicylate d’éthylhexyle, plusieurs scientifiques ont cherché à évaluer ce risque, avec des résultats rassurants. Une étude utilisant une méthode de modélisation prédictive a évalué l’affinité théorique du salicylate d’éthylhexyle pour le récepteur des œstrogènes (ER). Suite à cette approche informatique, l'octisalate a été classé comme un composé ne se liant pas au récepteur des œstrogènes.
Ces résultats ont été corroborés par un test biologique expérimental utilisant un système de levure recombinante exprimant le récepteur ERα. Cette méthode, fondée sur l’induction de la β-galactosidase en présence d’un ligand œstrogénique, a montré que le salicylate d’éthylhexyle produisait une courbe dose-réponse très atténuée, bien plus plate que celle de l’œstradiol. Sa puissance œstrogénique relative a été estimée à 1/2 000 000 de celle de l’estradiol, ce qui indique une activité biologique extrêmement faible, voire négligeable.
Ces données semblent indiquer que l'octisalate n'exerce pas d'effet œstrogénique.
L'octisalate est-il à risque pour l'environnement ?
Comme d'autres filtres solaires organiques, le salicylate d’éthylhexyle n'est pas sans conséquences une fois rejeté dans l’environnement, notamment par l’intermédiaire des baignades. Sa structure lipophile, conçue pour résister à l’eau, contribue aussi à sa persistance dans les milieux aquatiques. De plus, des études ont montré que l'octisalate pouvait s’accumuler dans les organismes vivants, en particulier dans les tissus riches en lipides. Des travaux menés sur le poisson zèbre (Danio rerio) ont montré qu'une exposition au salicylate d’éthylhexyle au cours du développement embryonnaire pouvait provoquer plusieurs effets néfastes, comme des malformations cardiovasculaires, une accumulation anormale de lipides et des troubles de l’oxygénation tissulaire. Ces phénomènes sont associés à une altération de l’expression des gènes impliqués dans le métabolisme lipidique et le développement vasculaire.
Même s'ils ne peuvent pas être extrapolés à l'Homme, ces résultats soulignent le potentiel perturbateur de l'octisalate sur les écosystèmes aquatiques.
Par ailleurs, bien que les études soient encore en cours, le salicylate d’éthylhexyle est suspecté de contribuer à la dégradation des récifs coralliens, à l’instar d’autres filtres UV organiques, comme l'octocrylène. Des travaux récents de profilage métabolomique menés sur le corail Pocillopora damicornis ont montré que le salicylate d'éthylhexyle augmentait le stress de cet animal marin. À une concentration de 50 µg/L, ce filtre solaire a entraîné une augmentation de la production d’un stéroïde naturellement présent chez les coraux, le (3β,5α,8α)-5,8-épidioxy-ergosta-6,24(28)-diène-3-ol, considéré comme un marqueur de réponse au stress environnemental. Lorsque la concentration atteignait 300 µg/L, une réponse encore plus marquée apparaissait, caractérisée par une élévation significative des taux d’acides gras polyinsaturés, de lysophosphatidylcholines et de lysophosphatidyléthanolamines, des molécules associées à des réponses inflammatoires et au stress oxydatif. Ces données suggèrent que l'exposition à l'octisalate peut fortement perturber le métabolisme des coraux.