En été, crèmes solaires et répulsifs anti-moustiques vont souvent de pair. Toutefois, une étude récente remet en cause cette combinaison et montre que l'application simultanée de ces deux produits compromet l'efficacité des filtres UV. Quelles sont plus précisément les conclusions de cette étude ? Comment être à la fois protégé des rayons UV et des piqûres d'insectes ? Apprenez-en plus à la suite.

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Les répulsifs anti-moustiques diminuent-ils l’efficacité des crèmes solaires ?
Crème solaire et répulsif anti-moustiques : une association à proscrire ?
Dans un contexte où la prise de conscience des risques liés aux cancers cutanés et aux maladies transmises par les insectes ne cesse de croître, l'utilisation des crèmes solaires et des répulsifs anti-moustiques connaît une forte augmentation, en particulier pendant la saison estivale.
La propagation grandissante ces dernières années de maladies vectorielles, telles que le paludisme, le chikungunya ou la dengue, transmises par les moustiques, a incité l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à recommander l'usage de répulsifs anti-moustiques dans les régions et situations à risque. Même s'ils n'assurent pas une protection complète, ces produits aident à éloigner les insectes et à prévenir les piqûres. Ils peuvent être formulés avec des molécules synthétiques, telles que la DEET ou l'IR3535, ou des ingrédients naturels, comme l'huile essentielle d'eucalyptus et l'huile essentielle de citronnelle. Parallèlement, l'exposition aux rayons UV, favorisant les cancers cutanés et le photovieillissement de la peau, appelle une protection solaire.
331 722
nouveaux cas de cancers de la peau dans le monde en 2022.
263 millions
de cas de paludisme dans le monde en 2023.
Néanmoins, si les répulsifs anti-moustiques et les crèmes solaires s'imposent comme des indispensables de l'été, une étude récente remet en question leur compatibilité. Pour évaluer leurs interactions, des biopsies de peau humaine ont été utilisées ex vivo, permettant de reproduire des conditions proche de la réalité. Trois produits ont été testés : un répulsif contenant 35% d’IR3535, une crème solaire FPS 50 formulée avec de l’avobenzone, de l’octyl triazone et de l’anisotriazine comme filtres UV, ainsi qu’un produit hybride combinant ces mêmes filtres UV à des extraits végétaux, dont de l’huile essentielle d’eucalyptus citronné.
Les produits ont été appliqués seuls (50 μL) ou en combinaison (25 μL chacun), en commençant par la crème solaire. À noter que l'ordre inverse d'application n'a pas été essayé (d'abord le répulsif, puis la crème solaire), un test qu'il aurait été intéressant de réaliser en parallèle et qui aurait pu produire des résultats différents. Après 30 minutes d’incubation, les explants ont été exposés soit à un rayonnement UVB intense (300 mJ/cm²) pendant 3 minutes, soit à une lumière solaire naturelle avec un indice UV de 8 pendant 2 heures (144 mJ/cm²). Deux témoins ont été inclus : un explant de peau exposé au soleil sans protection (témoin positif) et un autre non-exposé (témoin négatif). La structure de la peau a ensuite été examinée à l'aide d'une coloration à l'hématoxyline et à l'éosine. Les chercheurs ont évalué plusieurs paramètres cutanés, notamment la morphologie et la densité des noyaux cellulaires, ainsi que leur répartition dans l’épiderme.
À l'aide d'une analyse informatique, les chercheurs ont pu en extraire une valeur moyenne à fort contraste (high contrast mean value ou HCM), un indicateur quantitatif de l’apparition de halos autour des noyaux cellulaires dans les images histologiques. Ces halos correspondent à des zones de déstructuration cytoplasmique et suggèrent une apoptose cellulaire potentiellement induite par les UV. Les HCM mesurées 24 à 48 heures après l'exposition aux rayonnements UVB sont présentées dans les histogrammes A et B ci-dessous.

Il semblerait ainsi que la double application d'une crème solaire à base d’avobenzone, d’octyl triazone et d’anisotriazine et d'un répulsif anti-moustiques contenant de l'IR3535 diminue significativement la protection solaire.
En effet, lorsque la crème solaire est appliquée seule, l’HCM reste comparable à celle des explants non-exposés, ce qui confirme son efficacité attendue. En revanche, l’application du répulsif après la crème solaire entraîne une diminution significative de cette protection, avec des valeurs similaires à celles observées en l’absence de photoprotection. Ces résultats suggèrent que le répulsif altère l’efficacité des filtres UV, voire les neutralise complètement. Fait notable, le produit hybride, conçu pour offrir une double protection contre les moustiques et les UV, ne semble apporter ici qu’une protection solaire minime, ce qui remet en question son efficacité.
On peut également s’interroger sur un autre point : les valeurs d’HCM à 48 heures sont parfois inférieures à celles observées à 24 heures, ce qui est contre-intuitif. Cette baisse pourrait indiquer une dégradation progressive des produits, une élimination partielle des composés actifs ou encore une récupération cellulaire partielle en l’absence de nouvelle exposition. On peut supposer que l'huile essentielle d'eucalyptus citronné présente dans ce produit a altéré la répartition ou la stabilité des filtres UV, réduisant ainsi leur capacité de protection. Il est également possible que l’association de ces ingrédients modifie l’indice de réfraction du produit, réduisant ainsi l'absorption des rayons UV.
Une étude publiée en 1997 avait déjà fait un constat similaire : l’application simultanée d’un répulsif contenant du DEET et d’une crème solaire formulée avec de l’éthylhexyl méthoxycinnamate, de l’oxybenzone et du salicylate d’éthylhexyle avait réduit le facteur de protection solaire de 28% chez 14 volontaires. Ces résultats, en écho aux observations récentes, suggèrent que l’interaction entre certains répulsifs et filtres UV pourrait compromettre l’efficacité des protections solaires.
Aucune explication n'a néanmoins été fournie pour expliquer comment les répulsifs anti-moustiques et les produits de protection solaire pourraient interagir. Une dégradation des filtres UV par réaction avec les composés des répulsifs, une altération mécanique ou une dilution sont autant d'hypothèses possibles. Par ailleurs, il est important de souligner que les expériences réalisées ont testé un nombre restreint de produits : un seul répulsif et une seule crème solaire en laboratoire, ainsi qu’une autre combinaison testée en 1997. Or, il existe 27 filtres UV réglementés en Europe, à la fois des filtres chimiques et des filtres minéraux, et tous n’interagissent pas nécessairement avec les répulsifs anti-moustiques.
Les scientifiques ont également testé l'efficacité de la protection solaire, couplée ou non au répulsif anti-moustiques, et du produit hybride lors d'une exposition de deux heures au soleil (histogramme C). Les résultats sont là moins concluants. Contrairement aux expositions aux UVB uniquement, la crème solaire utilisée seule ne semble plus assurer une protection adaptée. La valeur HCM mesurée dans cette condition est presque équivalente à celle obtenue avec la combinaison crème solaire et répulsif, ou avec le produit hybride, suggérant une efficacité réduite. Ce résultat interpelle, car il indique que même en l’absence de répulsif, la protection offerte par la crème solaire s’amenuise fortement lors d’une exposition prolongée à une lumière solaire naturelle. On peut émettre l'hypothèse que les filtres UV se sont dégradés au cours de cette exposition mais, dans tous les cas, ces données ne permettent pas de conclure quant à l'interaction entre une crème solaire et un répulsif anti-moustiques dans des conditions "normales" d'exposition.
Malgré la pertinence des premiers résultats, d'autres études en conditions réelles avec un panel large et des formulations variées seraient intéressantes pour en apprendre plus sur les interactions entre les répulsifs et les produits solaires.
Mais alors comment concilier protection solaire et anti-moustiques ?
Ce n'est pas parce qu'une incompatibilité semble exister entre les produits solaires et les anti-moustiques qu'il faut renoncer à l'un ou l'autre. En attendant d'en savoir plus sur l'étendue de cette interaction, il est conseillé d'espacer d'au moins 20 minutes l'application de ces produits. Conformément aux recommandations des centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), appliquez d'abord la crème solaire, afin que les filtres se fixent correctement à la peau, puis poursuivez avec le répulsif anti-moustiques. Veillez également à renouveler régulièrement l’application de l’écran solaire, notamment après la baignade, la transpiration ou toutes les deux heures, afin de maintenir une protection optimale tout au long de l’exposition.
Sources
KLEIN K. & al. Insect repellents and the efficacy of sunscreens. The Lancet (1997).
Règlement (CE) N° 1223/2009 du Parlement Européen et du Conseil.
Organisation Mondiale de la Santé. Guidelines for efficacy testing of mosquito repellents for human skin (2009).
World Cancer Research Fund. Skin cancer statistics (2023).
Organisation Mondiale de la Santé. Rapport 2024 sur le paludisme dans le monde (2024).
Centres pour le contrôle et la prévention des maladies. Preventing mosquito bites (2024).
AOUACHERIA A. & al. Computational histology reveals that concomitant application of insect repellent with sunscreen impairs UV protection in an ex vivo human skin model. Parasites and Vectors (2025).
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