Nombreuses sont les personnes qui hydratent leur peau au quotidien. Mais savez-vous comment l'eau agit dans notre peau et pourquoi elle est si importante ? Poursuivez votre lecture pour mieux comprendre le lien fondamental qui existe entre l'eau et la santé de la peau.

Comprendre le rôle de l'eau dans la peau.
- Comment l'eau est-elle répartie dans la peau ?
- Pourquoi l'eau est-elle essentielle au bon fonctionnement de la peau ?
- Quels mécanismes biologiques permettent de retenir l'eau dans la peau ?
- Sources
≈ 60%
de notre organisme est constitué d'eau.
≈ 30%
de l'eau du corps est située dans la peau.
Comment l'eau est-elle répartie dans la peau ?
La peau est un organe important qui concentre une grande partie de l'eau de l'organisme. Toutefois, la répartition de l'eau dans la peau varie fortement selon les couches cutanées et reflète des fonctions biologiques bien distinctes. Le derme, la couche intermédiaire de la peau, agit comme une véritable réserve hydrique. Il renferme environ 80% de l’eau présente dans la peau. Cette forte concentration s’explique par l’abondance de macromolécules hydrophiles dans la matrice extracellulaire, comme le collagène, les protéoglycanes et surtout les glycosaminoglycanes (GAGs). Ces derniers, tels que l’acide hyaluronique, possèdent un très fort pouvoir hygroscopique. Grâce à ses nombreuses charges négatives, cette molécule fixe les ions sodium et attire autour d’elle des dizaines de molécules d’eau, formant ainsi un gel semi-fluide.
Par ailleurs, le derme est une zone richement vascularisée, ce qui favorise l'apport en eau à partir du système circulatoire. À l'inverse, l'épiderme est avasculaire : il dépend entièrement de la diffusion passive des nutriments et de l’eau depuis le derme, ce qui limite sa capacité de stockage. L’eau du derme est dite non mobilisable, car elle est fortement liée aux macromolécules de la matrice, en particulier à l’acide hyaluronique. Bien qu'elle ne soit pas libre de circuler dans l'organisme ni de s’évaporer, elle joue un rôle important pour la souplesse et la densité tissulaire.
En revanche, la couche cornée, la couche la plus superficielle de l'épiderme, ne contient que 10 à 20% d'eau. Pourtant, c’est cette teneur en eau superficielle qui détermine en grande partie l’état d’hydratation cutanée perçu visuellement et ressenti. Lorsqu'on a la peau déshydratée par exemple, c'est en raison d'une altération de l'équilibre hydrique de la couche cornée. Contrairement à l’eau contenue dans le derme, celle de l’épiderme est mobilisable. Elle circule sous l’effet de gradients osmotiques ou transépidermiques. Une partie de cette eau finit par rejoindre la surface, où elle s’évapore lentement selon un phénomène appelé perte insensible en eau. Ce processus est permanent, même en l’absence de sueur visible, et est responsable de la déshydratation de la peau lorsque la barrière épidermique est altérée.
L'état d'hydratation de la peau repose non seulement sur la capacité du derme à stocker l’eau, mais aussi sur celle de l’épiderme à la distribuer et à la retenir.

Pourquoi l'eau est-elle essentielle au bon fonctionnement de la peau ?
Loin d’être un simple solvant, l’eau constitue environ 70% du volume des cellules de la peau et est le principal composant du cytoplasme, ce gel intracellulaire dans lequel baignent les organites. Elle est indispensable au métabolisme cellulaire et assure la fluidité des membranes, la diffusion des ions, la mobilité des vésicules et la bonne organisation du cytosquelette. Sans un niveau adéquat d’hydratation intracellulaire, l’activité des cellules de la peau est compromise, mais aussi celle des enzymes, ces protéines qui régulent une grande partie des processus biologiques. Par exemple, dans l'épiderme, la desquamation est orchestrée par certaines protéases, telles que les kallikréines, qui dégradent les cornéodesmosomes unissant les cornéocytes. Ces enzymes sont très sensibles à l’humidité ambiante : une baisse du taux d’eau dans la couche cornée inhibe leur activité, ralentit le renouvellement cellulaire et favorise l’accumulation de cellules mortes en surface. En conséquence, le teint devient terne et des squames peuvent apparaître.
L’eau permet également la propagation de signaux chimiques entre les cellules. En effet, de nombreux messagers solubles, comme les cytokines, les interleukines et les facteurs de croissance, diffusent dans un environnement aqueux pour activer les récepteurs membranaires. Si l'eau venait à manquer dans le milieu extracellulaire, la signalisation intercellulaire serait en partie entravée, ce qui pourrait affecter la réponse immunitaire. Notons aussi que plusieurs travaux ont montré que la déshydratation favorise le maintien d'un état d'inflammation chronique dans la peau.
Par ailleurs, l'eau est un acteur clé de la cicatrisation de la peau. Cette dernière repose sur une succession d'étapes : réponse vasculaire (hémostase), réaction inflammatoire, formation du tissu de granulation puis remodelage de la peau. L'eau est essentielle à chaque moment. En effet, dans un milieu suffisamment hydraté, les fibroblastes migrent plus rapidement vers la zone lésée, stimulent la synthèse de collagène et favorisent l’angiogenèse. De même, les kératinocytes se divisent et migrent plus efficacement sur un lit humide, ce qui accélère la reformation de l’épiderme. C’est pourquoi il est recommandé de bien hydrater une peau lésée et que les pansements hydrocolloïdes sont aujourd'hui privilégiés. Ces derniers permettent de former un gel à la surface de la peau et de créer un milieu humide autour de la plaie, c'est-à-dire un environnement propice à une cicatrisation rapide.
Enfin, l’eau joue un rôle majeur dans le processus de thermorégulation, principalement via la sudation. Pour rappel, la sueur est un liquide majoritairement aqueux produit par les glandes sudoripares qui se trouvent dans le derme. Lorsque l'organisme a chaud et que sa température s'élève au-delà de 37°C, les glandes sudoripares produisent de la sueur qui s'évapore à la surface de la peau au cours d'un processus qui consomme de la chaleur et permet de redescendre la température corporelle. La thermorégulation est une fonction vitale qui repose sur la disponibilité d'un stock d'eau mobilisable.
Quels mécanismes biologiques permettent de retenir l'eau dans la peau ?
Pour faire face aux pertes hydriques permanentes, notamment via la perte insensible en eau, la peau s’appuie sur plusieurs mécanismes de régulation. La première ligne de défense contre la déshydratation cutanée repose sur les facteurs naturels d’hydratation (FNH), appelés natural moisturizing factors en anglais (NMF). Présents dans les cornéocytes, les cellules de la couche cornée, ces composés hygroscopiques sont majoritairement issus de la dégradation de la filaggrine, une protéine clé du processus de kératinisation. On y retrouve des acides aminés libres, de l’urée, des lactates ou encore de l’acide pyrrolidone carboxylique, capables de retenir efficacement l'eau dans la couche cornée, garantissant ainsi la souplesse de la peau.
L’eau circule également à travers les différentes couches de la peau grâce à des protéines de transport membranaire, les aquaporines, dont la plus abondante dans la peau est l’aquaporine-3. Localisée au niveau des kératinocytes de l’épiderme, cette protéine facilite la diffusion de l’eau, mais aussi du glycérol, entre les couches profondes et superficielles de la peau. En assurant une distribution homogène de l’humidité au sein de l’épiderme, les aquaporines contribuent à l'homéostasie hydrique de la peau et au maintien de sa fonction barrière.
Enfin, la peau oppose une résistance physique à l’évaporation de l'eau grâce à la présence de lipides intercellulaires dans l’épiderme, en particulier au sein de la couche cornée. Ces lipides organisés en feuillets lamellaires entre les cornéocytes agissent comme un ciment imperméable. Ils sont principalement constitués de céramides, d’acides gras libres et de cholestérol et sont synthétisés puis extrudés par les kératinocytes matures. Leur organisation tridimensionnelle limite considérablement les fuites d’eau vers l’extérieur, à condition que la synthèse et l'organisation lipidiques ne soient pas altérées. À cela s’ajoute le film hydrolipidique, une émulsion naturelle à la surface de la peau composée de sueur et de sébum. Il forme une couche occlusive légère qui limite l’évaporation de l’eau en surface. Le film hydrolipidique des peaux sèches, présentant une production réduite de sébum, est souvent assez fragile.
La peau combine des mécanismes chimiques, avec les facteurs naturels d'hydratation, cellulaires, avec les aquaporines, et structurels, avec les lipides intercellulaires et le film hydrolipidique, pour retenir l’eau.
L'essentiel à retenir.
L’eau est un élément fondamental de la peau qui contribue à sa souplesse, son éclat et sa protection face aux facteurs environnementaux.
L’eau représente environ 70% du volume des cellules de la peau et est essentielle à leur activité métabolique.
La répartition de l’eau dans la peau est inégale. Elle est majoritairement stockée dans le derme sous forme liée, tandis que l’épiderme contient moins d’eau, mais sous forme mobilisable.
L’hydratation cutanée repose sur un équilibre fragile entre l’eau qui migre du derme et celle qui s’évapore à la surface de l'épiderme.
Sources
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