Reconnaissable aux taches blanches sur la peau qu'il provoque, le vitiligo est une dermatose à médiation principalement auto-immune. Plus précisément, le système immunitaire des personnes atteintes de cette maladie cible par erreur certains mélanocytes, les cellules de l'épiderme chargées de produire la mélanine, et les détruit. En l'absence de ce pigment, la peau devient blanche. Toutes les zones du corps peuvent être concernées par le vitiligo, bien que le visage, les mains et les pieds soient généralement les premières atteintes. Non-contagieux et non-dangereux pour la santé, le vitiligo n'en est pas moins bénin et peut avoir un impact psychologique significatif, en raison de son caractère voyant. La perte sélective de mélanocytes observée chez les personnes touchées par le vitiligo est due à plusieurs facteurs, parfois imbriqués. Parmi eux, on cite parfois le tabac, en raison de l'important stress oxydatif qu'il génère dans les cellules cutanées.
La fumée de cigarette contient environ 1017 radicaux libres par bouffée.
Or, plusieurs études ont montré que les patients souffrant de vitiligo présentaient une sensibilité accrue au stress oxydatif, ainsi qu'un déséquilibre cellulaire entre les pro-oxydants et les antioxydants. Il a été suggéré que ce déséquilibre pourrait être responsable de la sensibilité accrue des mélanocytes aux stimuli pro-oxydants externes, tels que le tabac et, au fil du temps, de l'induction d'un état de présénescence. Par la suite, la génération et l'accumulation de radicaux libres dans les cellules pourraient endommager l'ADN et altérer le bon fonctionnement des mélanocytes. Par ailleurs, le stress oxydatif favorise l'inflammation, un facteur important dans la progression du vitiligo. L'activation des cytokines inflammatoires, telles que le TNF-α, l'IL-1 et l'IFN-γ, peut de fait augmenter l'infiltration des cellules immunitaires dans la peau et intensifier l'attaque des mélanocytes.
Pour vérifier cette hypothèse, une étude rétrospective a été menée en Corée entre 2009 et 2012 et a examiné les données de 23 503 807 personnes ayant bénéficié d'un examen de santé pendant cette période. 22 811 cas de vitiligo ont été identifiés. Après analyse des données, les chercheurs ont noté que le rapport des risques, ou hazard ratio en anglais, était de 0,69, ce qui signifie que les fumeurs auraient un risque de développer le vitiligo réduit de 31% par rapport aux non-fumeurs. L'intervalle de confiance, compris entre 0,65 et 0,72, reflète la précision de cette estimation, suggérant que le véritable rapport des risques se situe très probablement dans cet intervalle.
Ces résultats vont à l'encontre de l'hypothèse selon laquelle le tabac serait un facteur déclencheur du vitiligo, une maladie pour laquelle l’impact du stress oxydatif a été confirmé par de nombreuses études. Cela pourrait s'expliquer de la façon suivante : si le tabac a une action globalement pro-oxydante, il pourrait également présenter certains effets antioxydants. En effet, il a été montré que le tabac contient des composés qui inhibent l'activité de la monoamine oxydase (MAO), une enzyme stimulant la production de radicaux libres. Or, une activité élevée de cette enzyme a été observée chez les personnes touchées par le vitiligo. Il est donc possible que la relation inverse entre le vitiligo et le tabagisme s'explique par l'inhibition de la MAO par le tabagisme. Davantage de travaux sont néanmoins nécessaires pour déterminer le mécanisme exact.
Par ailleurs, les auteurs reconnaissent certaines limites dans leur étude. La susceptibilité génétique des individus ou les antécédents familiaux de vitiligo n'ont tout d'abord pas été évalués. De plus, les liens de causalité entre le tabagisme et le vitiligo n'ont pas pu être formellement identifiés à l'aide d'une étude épidémiologique. Enfin, le statut tabagique des participants a été obtenu à partir de questionnaires auto-rapportés. Un biais de réponse dû au fait que les personnes interrogées n'ont pas forcément fourni d'informations correctes ne peut pas être exclu.
Compte tenu des dommages causés par le tabac sur la santé et de la fragilité des conclusions de l'étude, le tabagisme ne doit pas être considéré comme une option de prévention ou de traitement du vitiligo.