Par choix ou en raison d'une intolérance, de plus en plus de personnes adoptent un régime alimentaire sans gluten. Selon une enquête menée en 2019, environ 8% de la population française ne consomme pas de produits avec du gluten. Les intolérances au gluten peuvent être divisées en trois catégories : la maladie de cœliaque, une maladie génétique auto-immune caractérisée par une réponse immunitaire inappropriée au gluten, la sensibilité au gluten non cœliaque, provoquant des douleurs abdominales et des difficultés à digérer le gluten, et l'allergie au blé, se traduisant par des réactions allergiques classiques médiées par les immunoglobulines E.
Selon la réglementation européenne, un aliment affichant la mention "sans gluten" doit contenir moins de 20 ppm de gluten.
Dans ce contexte, il est légitime pour les personnes souffrant de l'une de ces affections de s'interroger quant aux risques éventuels posés par les cosmétiques contenant du gluten. En effet, bien que les cosmétiques ne soient pas destinés à être avalés, il est possible d'en ingérer une petite partie, que ce soit en mangeant son sandwich de midi alors qu'on a encore des traces de cosmétique sur les doigts ou en appliquant son baume ou son rouge à lèvres. Toutefois, même si ces derniers contiennent effectivement du gluten, il est peu probable qu'une quantité importante soit ingérée au cours d'une utilisation normale. En effet, si un rouge à lèvres de 4 g contient moins de 20 ppm de gluten, il contient moins de 0,002 % de gluten. Cela signifie que si le tube entier de rouge à lèvres était ingéré, moins de 0,08 mg de gluten serait consommé.
Pour s'en assurer, une étude menée en 2018 a cherché à savoir s'il était courant pour les cosmétiques susceptibles d'être ingérés au cours de leur utilisation de contenir du gluten. Cette protéine a été dosée dans 66 produits destinés à être mis en contact avec la bouche, dont 37 dentifrices et 10 baumes à lèvres. Les résultats de l'étude ont montré que 94% d'entre eux pouvaient être considérés comme "sans gluten" selon la définition donnée par la règlementation européenne, car ils contenaient moins de 20 ppm de gluten. La concentration la plus importante de gluten analysée était de 35 ppm. Les auteurs ont conclu que le risque lié au gluten dans les cosmétiques était très faible. Néanmoins, bien qu'il soit faible, ce risque n'est pas nul, ce qui ne permet pas de rassurer complètement les personnes intolérantes au gluten.
Par ailleurs, une autre question émerge : les individus intolérants au gluten sont-ils susceptibles de développer une allergie de contact au gluten après application d'un cosmétique renfermant cette protéine ? D'après le groupe d'experts du Cosmetic Ingredient Review (CIR), l'utilisation de protéines de blé hydrolysées et de gluten de blé hydrolysé ne provoque pas de réactions d'hypersensibilité cutanée chez les personnes sensibles et n'induit pas de sensibilisation lorsque le poids moléculaire moyen des peptides est d'environ 3 500 Da. Ces conclusions ont été émises après avoir étudié les différentes données issues des études cliniques disponibles. Il est néanmoins suspecté que les plus petites molécules de gluten hydrolysées sont capables de franchir la barrière cutanée et de déclencher des réactions allergiques.
De plus, la question d'une sensibilisation alimentaire accrue au gluten suite à l'application de cosmétiques en contenant n'est pas si simple. Bien que la littérature scientifique n'ait pas encore traité ce sujet chez les personnes intolérantes au gluten, des preuves suggèrent que l'utilisation de cosmétiques contenant du gluten peut provoquer une sensibilisation alimentaire chez les personnes qui toléraient auparavant cette protéine. On peut notamment citer le cas d'un hôpital au Japon qui, en l'espace de deux ans, a reçu 18 patients ayant souffert d'urticaire ou d'anaphylaxie après avoir consommé des aliments contenant du blé. Ces personnes ne présentaient jusqu'alors pas d'allergie au gluten mais avaient récemment commencé à utiliser un savon à base de blé et ont effectivement été testées positives à la protéine présente dans le savon. Après avoir arrêté d'utiliser le cosmétique, seule une personne a cessé de présenter une sensibilité au gluten.
En l'absence de données irréfutables sur l'innocuité des cosmétiques au gluten, il est recommandé aux personnes intolérantes d'être prudentes lorsqu'elles choisissent leurs soins.