Ces dernière années, les gens craignent du fait que l'utilisation généralisée de crème solaire, particulièrement celles qui présentent un facteur de protection solaire élevé, puisse augmenter le risque de carence en vitamine D.
Que savons-nous à ce stade ?
Les rayons UV solaires sont responsables des coups de soleil et sont également reconnus pour être cancérigènes. En effet, c'est le principal facteur de risque pour les cancers de la peau, en particulier dans les populations à peau claire pour lesquelles les coups de soleil sont un facteur de risque. De nombreux efforts de santé publique ont été déployés pour sensibiliser le public aux dangers inhérents des bains de soleil.
L'utilisation d'écrans solaires est une approche, et des essais randomisés ont montré qu'ils inhibent le développement de cancers cutanés. Le rôle des écrans solaires dans la prévention du mélanome a également été soutenu par de grandes études basées sur la population.
Cependant, l'utilisation d'écrans solaires semble avoir un impact sur le statut en vitamine D. Les spectres d'action de l'érythème et de la formation cutanée de la vitamine D se chevauchent considérablement dans la région des UVB. Ainsi, les écrans solaires qui inhibent l'érythème devraient théoriquement inhiber également la production de vitamine D.
Que disent les études ?
Les études sur les effets inhibiteurs des écrans solaires sur la synthèse de la vitamine D ont donné des résultats contradictoires. Certains auteurs ont trouvé une inhibition significative de sa production, tandis que d’autres ne relèvent aucune influence des crèmes solaires sur la vitamine D.
La crème solaire protège la peau des rayons nocifs du soleil en filtrant les rayons UV. Ils sont constitués de différents types de rayons UV, dont l’UVA et l’UVB. Les rayons UVB sont à la fois responsables de la synthèse de la vitamine D, mais également des coups de soleil. Comme les rayons UVB sont filtrés par la crème solaire, il est normal de penser que l’organisme risque de ne pas synthétiser suffisamment de vitamine D.
Une étude récente présente des données contradictoires sur la question. Les quatre études expérimentales incluses dans la revue ont montré que l'utilisation d'un écran solaire atténuait toute augmentation de la concentration de vitamine D3 ou de 25(OH)D circulants, qui se produit à la suite d'une exposition au rayonnement UV généré artificiellement. Sur les 69 études observationnelles incluses dans la revue, 25% ont conclu que l'utilisation d'un écran solaire était associée à des concentrations plus élevées de 25(OH)D, tandis que 10% ont conclu que l'utilisation d'un écran solaire était associée à des concentrations plus faibles de 25(OH)D. Les auteurs signalent que les conclusions de ces études d'observation sont limitées par leur hétérogénéité, la conception de l'étude et les rapports sous-optimaux.
Cette revue a également inclus deux essais contrôlés randomisés réalisés en Australie. Dans l'une de ces études, les participants ont reçu une crème solaire ou un placebo, et ont été invités à l'appliquer quotidiennement. Dans la seconde étude, on a demandé à un groupe d'appliquer quotidiennement de la crème solaire sur le visage, le cou, les bras et les mains, tandis qu'on a conseillé à l'autre groupe d'appliquer de la crème solaire à sa guise. Les deux études ont comparé la concentration de 25(OH)D entre les deux groupes et n'ont pas trouvé de différence statistique. Les auteurs concluent que s'il existe un risque théorique que la crème solaire diminue les niveaux de vitamine D, les données actuelles ne démontrent pas de corrélation dans la vie réelle.
Cette conclusion est étayée par une étude plus récente, qui a montré que lors de vacances d'une semaine à Ténérife (Espagne), des personnes appliquant une crème solaire SPF15 à l'épaisseur recommandée de 2mg/cm2 n'avaient aucune trace de coup de soleil et présentaient aussi une augmentation significative des taux sériques de 25(OH)D. Ainsi, malgré l'utilisation optimale d'un écran solaire à faible indice de protection solaire, ces personnes avaient une production de vitamine D suffisante.
Références | Taille de l'échantillon | Surface exposée | Fréquence d'exposition | Dose UVB | Type de crème solaire | Résultats |
---|
HOLICK M. F. & al (1987) | Étude in vitro sur des échantillons de peau humaine | | 1 fois | 30mJ/cm2 | 5% d'acide para-
aminobenzoïque (PABA) | Production de
pré-vitamine D3 totalement
bloquée par l'écran solaire |
MATSUOKA L. Y. & al (1987) | 8 sujets à la peau blanche | 100% | 1 fois | 1 DEM | SPF 8 contenant du PABA | Concentration
de vitamine D3 inchangée
dans le groupe
ayant appliqué
la crème solaire
comparé au groupe
placebo |
HOLLIS B. W. & al (1990) | 27 sujets (phototype III) | 100% | 1 fois | 27mJ/cm2 | SPF 15 | Blocage complet de la synthèse de la vitamine D3 |
THOMPSON S. C. & al (1995) | 113 sujets | Visage, cou, avant-bras, dos des mains | 1 fois par jour pendant 7 mois | | SPF 17 | Pas d'influence sur les niveaux de 25(OH)D |
RODRIGUEZ J. & al. (1998) | 24 sujets | | 1 fois par jour pendant 24 mois (uniquement les mois de printemps et d'été) | | SPF 15 | Pas d'influence sur les niveaux de 25(OH)D |
FAURCHOU & al (2012) | 37 volontaires (phototype de I à III) | Partie supérieure du corps | 4 fois tous les 2 - 3 jours | | SPF 8 (0mg/cm2, 0,5mg/cm2,1mg/cm2, 1,5mg/cm2 ou 2mg/cm2) | Corrélation entre quantité d'écran solaire appliqué et concentration de 25(OH)D |
VAN DER POLS J. C. & al (2012) | 1 113 volontaires | Visage, cou, avant-bras, dos des mains | 1 fois par jour pendant 4 ans et demi | | SPF 16 | Pas d’incidence sur les niveaux circulants de 25(OH)D |
NIKKELS A. F. & al (2017) | 72 volontaires | 4 groupes : 9%, 23%, 50% et 96% | 1 fois | 0,8 DEM | SPF 50 (2mg/cm2) | Pas d’incidence sur les niveaux circulants de vitamine D pour une utilisation à court terme de crème solaire. |
PHILIPSEN P. A. & al. (2019) | 20 volontaires | | 3 fois par jour pendant une semaine | | SPF 15 (2mg/cm2) | Augmentation significative des taux sériques de 25(OH)D |
En revanche, les situations de vie réelle montrent que les niveaux de vitamine D ne sont pas affectés par l’utilisation de crèmes solaires. Ces résultats pourraient s’expliquer par plusieurs faits :
les écrans solaires peuvent inciter les individus à s'exposer plus souvent et longtemps au soleil ;
la quantité de crème solaire spontanément appliquée sur la peau est habituellement inférieure aux quantités recommandées ;
le blocage total des UVB par des écrans solaires n’est probablement jamais obtenu.
Il existe des moyens sûrs d'obtenir de la vitamine D sans passer par le soleil. L'une des recommandations les plus courantes est la supplémentation orale en vitamine D par le biais de compléments alimentaires. Le lait est une autre source : un verre de lait de 250 mL contiendrait environ 100 UI de vitamine D. Une autre source alimentaire est le poisson gras comme le saumon, l'anguille ou le maquereau.
En conclusion, les études démontrent que l’application d'une quantité généreuse de n’importe quelle crème solaire ne perturbe pas à elle seule la synthèse de la vitamine D par l’organisme. Il est ainsi possible de stimuler sa production en appliquant une crème solaire à SPF élevé. Toutefois, nous recommandons d'envisager d'autres sources de vitamine D, telles que les compléments alimentaires ou l’alimentation.
Les écrans solaires peuvent être utilisés pour prévenir les coups de soleil, tout en permettant la synthèse de la vitamine D.