Sous forme micrométrique ou nanométrique, le dioxyde de titane (TiO₂), un composé utilisé industriellement depuis un siècle, est largement incorporé dans les formulations cosmétiques en raison de ses capacités à atténuer les rayons UV et à améliorer l'opacité. Cet article offre une analyse détaillée des recherches empiriques et des évaluations réglementaires visant à mesurer les risques potentiels pour la santé liés à l'utilisation du TiO₂, tout en mettant en lumière les débats actuels et les progrès réalisés dans la compréhension de sa sécurité.

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- Le dioxyde de titane est-il dangereux pour la santé ?
Le dioxyde de titane est-il dangereux pour la santé ?
- Qu'en est-il de l’exposition dermique et la pénétration cutanée du dioxyde de titane ?
- Des risques d'inhalation du dioxyde de titane ?
- Des risques du dioxyde de titane par ingestion ?
- Des effets du dioxyde de titane chez les femmes enceintes ou allaitantes ?
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Qu'en est-il de l’exposition dermique et la pénétration cutanée du dioxyde de titane ?
Le dioxyde de titane est un ingrédient essentiel dans de nombreux produits cosmétiques, notamment pour ses propriétés photoprotectrices contre les rayons UV et son rôle dans la formulation de poudres et crèmes. Une des préoccupations majeures réside dans son interaction avec la peau, et notamment dans sa capacité à pénétrer les différentes couches cutanées.
Avant d'examiner les résultats des études spécifiques, il est important de rappeler que la structure de la peau agit comme une barrière naturelle efficace, limitant l'absorption de nombreuses substances. Cette section explore les différentes voies d'exposition et évalue les potentielles implications pour la sécurité de cet ingrédient.
L’absorption du dioxyde de titane à travers une peau saine.
Le dioxyde de titane sous forme non-nanométrique est largement utilisé dans les produits cosmétiques en raison de sa sécurité bien établie : il reste à la surface de la peau et ne pénètre pas dans les couches vivantes de l’épiderme. Cependant, la forme nano-TiO₂ suscite davantage de préoccupations en raison de sa taille, qui pourrait potentiellement favoriser une pénétration plus profonde dans la peau.
Le Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs (CSSC) a examiné plus de 20 études entre 2013 et 2014 sur l’absorption du TiO₂ (nano-TiO₂ et non-nanométrique) à travers la peau. Les résultats montrent que, quelle que soit la forme, le TiO₂ reste principalement à la surface de la peau, avec une pénétration mineure dans la couche cornée pour le nano-TiO₂, sans preuve de pénétration dans l'épiderme viable ou le derme.
D'autres études in vivo et in vitro sur la peau humaine ont également suggéré que le nano-TiO₂ peut pénétrer plus profondément dans la peau, particulièrement lorsqu'il est formulé dans une dispersion huileuse. Cependant, une émulsion huile-dans-eau, où le dioxyde de titane est dispersé dans la phase aqueuse, empêche cette pénétration. Une autre étude, réalisée sur des greffes de minipigs, a suggéré une pénétration plus profonde des nano-TiO₂, bien que cette pénétration ne soit pas significative, à travers l'épiderme intact et normal.
De plus, l'application d’une crème sur la peau des minipigs pendant environ un mois n'a montré aucun effet indésirable apparent sur la peau de l'animal, tel que des irritations. D'autres études ont révélé que le nano-TiO₂ ne dépasse pas la couche cornée lorsqu'il est associé au phosphate de cétyle, au dioxyde de manganèse et au triéthoxycprylylsilane dans des formulations cosmétiques. Une revue de 2016 de l'Australian Therapeutic Goods Administration confirme que la pénétration est limitée à la couche cornée, bien qu'une étude ait observé une légère pénétration après application répétée de crème solaire contenant du nano-TiO₂.
Finalement, selon le CSSC, le nano-TiO₂ et non nano-TiO₂ des crèmes solaires ne présentent aucun risque pour la santé lorsqu'il est appliqué sur la peau à une concentration allant jusqu'à 25%.
Une potentielle pénétration du dioxyde de titane dans la circulation sanguine ?
Une étude sur la pénétration dermique du TiO₂ a été réalisée sur des minipigs, avec un total de 12 animaux utilisés. Les chercheurs ont utilisé différentes formes du dioxyde de titane (non-nanométriques et nano-TiO₂) à une concentration de 5% dans une crème solaire. Ces formulations, ainsi que les contrôles, ont été appliquées localement sur la peau des minipigs à une dose de 2 mg de crème/cm², avec 4 applications par jour, 5 jours par semaine, pendant 4 semaines. Les tissus cutanés, ainsi que les ganglions lymphatiques et le foie, ont été prélevés pour analyser la teneur en TiO₂. Les niveaux de dioxyde de titane dans les ganglions lymphatiques et le foie des animaux traités n'ont pas montré de valeurs supérieures à celles observées dans les animaux témoins.
Ces premières données suggèrent donc que le TiO₂ ne pénètre pas dans la circulation sanguine.
Et par rapport à l’absorption du dioxyde de titane à travers une peau compromise ?
Le CSSC a examiné cinq études sur la pénétration du dioxyde de titane dans des conditions de peau compromise (peau épilée, coups de soleil, peau psoriasique) impliquant des souris, des porcs et des humains. Ces études ont conclu que le dioxyde de titane (micrométrique et nanométrique) ne pénétrait pas plus profondément dans la peau compromise que dans la peau saine. Bien que le nano-TiO₂ ait atteint des zones plus profondes de la couche cornée dans la peau psoriasique, il n'a pas pénétré dans les cellules vivantes, ni dans la peau psoriasique ni dans la peau saine. Des recherches ultérieures ont confirmé ces résultats, montrant une pénétration limitée pour le nano-TiO₂ dans la peau intacte ou légèrement endommagée. Une étude sur de la peau humaine exposée aux rayons UVB a détecté du nano-TiO₂ dans les cellules viables, mais cela a été observé uniquement chez deux volontaires avec une seule crème solaire.
Des risques d'inhalation du dioxyde de titane ?
Il est bien établi que les nano-TiO₂ sont plus toxiques que la forme micrométrique. En effet, les nano-TiO₂ peuvent être inhalées lorsqu'elles sont présentes dans des produits pulvérisés ou en aérosol, comme certains sprays, bien que l'utilisation de nano-TiO₂ dans ces produits soit interdite depuis 2009 par le Règlement (CE) n° 1223/2009 relatif aux cosmétiques de l'Union Européenne. L'inhalation de ces particules peut entraîner des irritations respiratoires et des inflammations pulmonaires, pouvant, à long terme, provoquer des dysfonctionnements pulmonaires, des fibroses et des risques de cancer, en fonction de la forme et des caractéristiques des nanométriques (taille, forme, cristallinité, etc.). Les risques sont principalement associés à des expositions professionnelles ou à des produits cosmétiques en aérosol.
Cependant, ces situations restent relativement rares dans un usage domestique et l'exposition prolongée ou à haute dose semble plus problématique. En ce qui concerne les inhalations à court terme, un seuil de 3,5 mg/m³ est estimé pour les applications en spray et un seuil de 17 mg/m³ est suggéré pour des inhalations répétées durant une journée de travail de 8 heures. Or, des études montrent qu'une concentration d'inhalation allant jusqu'à 35 mg/m³ ne conduit pas à un surmenage pulmonaire chronique.
Des risques du dioxyde de titane par ingestion ?
Ces dernières années, des inquiétudes ont émergé concernant l’utilisation du dioxyde de titane, notamment après son interdiction en tant qu’additif alimentaire (E171) dans certains pays. Cependant, il est essentiel de distinguer son utilisation dans les aliments de celle dans les cosmétiques, où les quantités et les contextes d’exposition diffèrent significativement.
Les études disponibles à ce jour utilisant des modèles in vitro et des animaux ont signalé que l’absorption de dioxyde de titane qu’il soit sous forme nanométrique ou non-nanométrique, par le tractus gastro-intestinal après une exposition orale est négligeable, voire nulle. De plus, les quantités de TiO₂ utilisées dans ces études expérimentales sont largement supérieures à celles auxquelles l’Homme peut être exposé dans le cadre d’une ingestion accidentelle, par exemple lors de l’utilisation de produits pour les lèvres comme les rouges à lèvres. Les données actuelles ne montrent pas non plus de preuve claire d’une activité cancérogène ou génotoxique associée à l’ingestion orale de dioxyde de titane.
Il est également crucial de distinguer les contextes d’exposition évalués par les différentes agences réglementaires. Le CSSC évalue les risques liés au dioxyde de titane dans les produits cosmétiques, qui ne sont pas conçus pour être ingérés. Toute ingestion dans ce cadre est accidentelle et les quantités impliquées sont extrêmement faibles. En revanche, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) évalue les risques liés au dioxyde de titane en tant qu’additif alimentaire, où les niveaux d’exposition sont bien plus élevés, car il est intentionnellement consommé dans les aliments.
En résumé, bien que des incertitudes subsistent, les données actuelles ne justifient pas d’inquiétude majeure concernant l’ingestion accidentelle de dioxyde de titane présent dans les cosmétiques, en raison des faibles quantités impliquées et de l’absence de preuves claires de toxicité. Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour clarifier les effets à long terme et rassurer pleinement les consommateurs.
Il est important de noter que la forme nano-TiO₂ présente un risque potentiel plus élevé que la forme micrométrique, en raison de ses propriétés de pénétration plus marquées dans les tissus et les cellules.
Des effets du dioxyde de titane chez les femmes enceintes ou allaitantes ?
À ce jour, il n’existe aucune interdiction ou mise en garde spécifique concernant l’utilisation de cosmétiques contenant du dioxyde de titane par les femmes enceintes ou allaitantes, y compris les produits pour les lèvres. Les autorités réglementaires considèrent que les quantités de dioxyde de titane auxquelles les consommateurs sont exposés dans les cosmétiques sont sans danger, même en cas d’ingestion accidentelle.
Cependant, certaines études expérimentales ont exploré les effets potentiels du dioxyde de titane sur la grossesse et le développement post-natal. Par exemple, une étude menée sur des rats gestants a administré une dose de 100 mg/kg/jour de nano-TiO₂ par voie orale pendant la période de gestation. Bien que cette dose soit bien supérieure à celle à laquelle un humain serait exposé lors de l’utilisation de cosmétiques, où l’ingestion accidentelle est minime, les résultats ont montré des perturbations physiologiques mineures chez les mères, telles que des altérations des enzymes antioxydantes et des marqueurs de métabolisme. Le dioxyde de titane s’est également accumulé dans certains organes comme le foie, le cerveau et le placenta.
Chez les descendants, des effets sur le développement post-natal ont été observés, notamment des variations de poids corporel, des retards de maturation sensorimotrice et des changements dans les réflexes moteurs. Ces observations suggèrent une influence potentielle sur le système nerveux central, bien qu’aucune malformation majeure ou anomalie structurale n’ait été détectée chez les fœtus.
Il est crucial de noter que ces résultats proviennent d’études animales utilisant des doses bien supérieures à celles rencontrées dans la vie quotidienne.
Par exemple, l’ingestion accidentelle de dioxyde de titane via des produits pour les lèvres est extrêmement faible et ne représente qu’une fraction infime de la dose testée dans ces études. De plus, les données humaines sur ce sujet sont limitées et ne montrent pas de preuves concluantes d’un risque pour les femmes enceintes ou allaitantes.
L'essentiel à retenir sur les effets du dioxyde de titane sur la santé.
Les études actuelles suggèrent que le dioxyde de titane reste principalement à la surface de la peau, avec une pénétration limitée dans les couches cutanées, même en cas de peau compromise.
Les risques d'inhalation et d'ingestion, bien que préoccupants, semblent principalement liés à des expositions professionnelles ou à des usages spécifiques, comme les sprays ou les additifs alimentaires.
En l'état actuel des connaissances, le dioxyde de titane dans les cosmétiques est considéré comme sûr lorsqu'il est utilisé conformément aux réglementations en vigueur.
Sources
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