L'huile de ricin est-elle vraiment sans danger ?

L'huile de ricin est-elle vraiment sans danger ?

Aussi appelée huile de castor par anglicisme, l’huile de ricin est une huile végétale millénaire réputée pour ses multiples usages, aussi bien appliquée sur la peau et les cheveux qu’ingérée. Selon la légende, Cléopâtre l’utilisait déjà comme démaquillant naturel. Mais cette huile est-elle vraiment sans danger ? Existe-t-il des effets secondaires ou des contre-indications à connaître avant de l’utiliser ? Découvrez tout ce qu’il faut savoir dans cet article sur la sécurité de l'huile de ricin.

L'ingestion d'huile de ricin est-elle toxique ?

L’huile de ricin, extraite des graines de la plante Ricinus communis, est connue depuis l’Antiquité pour ses usages multiples. Aujourd’hui, on la retrouve dans de nombreux domaines : formulation de cosmétiques, de lubrifiants, de plastifiants ou encore comme laxatif. Toutefois, malgré cette large utilisation, elle suscite plusieurs inquiétudes, notamment à cause de la présence de ricine dans les graines de ricin. En effet, la ricine est une glycoprotéine très toxique, considérée comme l’un des poisons naturels les plus puissants au monde. Lorsqu'elle est ingérée, la ricine peut provoquer des symptômes gastro-intestinaux sévères, comme des douleurs abdominales intenses, des vomissements ou des diarrhées, et entraîner une grave déshydratation. La mortalité reste heureusement limitée lorsque les symptômes sont pris en charge rapidement.

À ce jour, la littérature rapporte une cinquantaine de cas d’intoxication à la ricine dans le monde (PubMed, ScienceDirect et Google Scholar, 1980–2020).

Cependant, il est important de souligner que la ricine se trouve essentiellement dans les graines brutes de ricin et n’est normalement pas présente, ou en quantité infime, dans l’huile. Lorsque l'huile de ricin est extraite, les différents processus utilisés, comme la pression à froid, permettent d'éliminer presque totalement cette toxine. Une étude récente a montré que l’huile de ricin pressée à froid pouvait contenir environ 35 ± 13 µg/L de ricine. Pour information, une dose orale toxique est estimée entre 1 et 5 µg/kg de poids corporel. Ainsi, même en ingérant environ 30 mL d'huile de ricin, une quantité représentant une dose laxative courante, on ingère environ 1 µg de ricine. On est donc très en deçà du seuil toxique.

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Quels sont les effets secondaires de l’huile de ricin en application topique ?

L’huile de ricin est globalement bien tolérée lorsqu’elle est utilisée sur la peau.

Néanmoins, comme tout ingrédient, elle n'est pas totalement exempte de risques d’irritations ou de réactions allergiques. Dans de rares cas, l'huile de ricin a été associée à des dermatites de contact. Un cas rapporté dans la littérature décrit une femme de 30 ans qui présentait depuis un an un assombrissement des lèvres accompagné de démangeaisons et d’un gonflement. Après une enquête clinique et une série de patch tests, une dermatite de contact pigmentée induite par l'acide ricinoléique a été détectée. La réaction de la femme était en fait due à l'huile de ricin présente dans son rouge à lèvres. Après avoir complètement arrêté de le porter, ses lèvres ont pratiquement retrouvé leur couleur d'origine.

Remarque : Ce type de réaction à l'huile de ricin reste très rare. La plupart du temps, l'huile de ricin ou les soins qui en contiennent ne sont pas liés à des effets indésirables. Quoi qu'il en soit, par principe de précaution, il est toujours préférable de réaliser un test la première fois que vous utilisez de l'huile de ricin ou un nouveau cosmétique : appliquez-en une petite quantité au creux de votre coude et patientez 24 à 48 heures pour observer une éventuelle réaction. Cette habitude simple permet d'éviter les réactions généralisées.

Par ailleurs, l'utilisation d'huile de ricin sur les cils ou les sourcils pour les renforcer ou favoriser leur pousse est très populaire, mais, dans le même temps, certains s'inquiètent de savoir si l'huile de ricin est dangereuse pour les yeux. À ce jour, aucune source scientifique n’indique une toxicité de l’huile de ricin pour les yeux. Au contraire, certaines études ont exploré ses effets bénéfiques dans la prise en charge de la blépharite, une inflammation des paupières. L’application d’huile de ricin sur le bord des paupières permettrait de réduire l’inflammation et de diminuer la sensation de sécheresse oculaire. Nous vous conseillons néanmoins de l'appliquer avec parcimonie et de toujours veiller à utiliser un goupillon propre et désinfecté.

Des effets indésirables associés à l'utilisation capillaire de l'huile de ricin ?

Il est intéressant de savoir que l'huile de ricin fait l'objet de deux idées reçues contraires : pour certaines personnes, elle est capable de stimuler la pousse des cheveux, tandis que pour d'autres, l'huile de ricin pourrait entraîner une perte de cheveux. À ce jour, aucune étude scientifique n'a montré que l'huile de ricin favorisait la chute de cheveux. Au contraire, plusieurs travaux ont suggéré que l’acide ricinoléique pouvait inhiber l'activité de la prostaglandine D2 (PGD2). Cette protéine, en synergie avec son métabolite 15-dPGJ2, interrompt la pousse des cheveux en se liant au récepteur moléculaire GPR44. L'huile de ricin pourrait donc potentiellement prévenir les pertes de cheveux.

Toutefois, la littérature scientifique a décrit un cas très rare d'effet indésirable associé à l'huile de ricin : le feutrage aigu de cheveux, faisant référence à un entrelacement serré et désordonné des fibres capillaires, à tel point qu'il devient impossible de les démêler. Une jeune femme de 20 ans, après avoir appliqué pour la première fois de l'huile de ricin associée à de l'huile de coco sur sa chevelure, a constaté un emmêlement soudain et sévère de ses cheveux. Après lavage et tentative de séchage, les mèches se sont entortillées et compactées en une masse solide, ressemblant à un nid d’oiseau. Les tentatives de démêlage ont aggravé la situation, en plus d'être douloureuses. La seule solution a été de couper la masse de cheveux.

Feutrage aigu des cheveux suite à l'application d'un mélange d'huile de ricin et d'huile de coco.
Source : KIRUTHIKA S. & al. Castor oil-the culprit of acute hair felting. International Journal of Trichology (2017).

Même s'il peut sembler impressionnant, le feutrage aigu des cheveux est un phénomène qui reste extrêmement rare : seuls 17 cas ont été décrits dans le monde, toute causes confondues. Dans la très grande majorité des cas, l'huile de ricin ne présente aucun danger pour les cheveux. Nous vous conseillons simplement de l'utiliser avec parcimonie. Quelques gouttes d'huile de ricin suffisent amplement pour profiter de ses bienfaits capillaires. N'oubliez pas de laver vos cheveux après coup, pour éviter de les alourdir.

L'huile de ricin peut-elle être utilisée sans risque pendant la grossesse ?

Par voie orale, l'huile de ricin a longtemps été utilisée pour déclencher le travail chez les femmes enceintes. Après ingestion, l’acide ricinoléique de l'huile de ricin est libéré grâce à l’action des lipases intestinales. Il exerce alors un effet laxatif puissant et favorise les contractions utérines en interagissant avec les récepteurs EP3 aux prostanoïdes présents sur les cellules musculaires lisses intestinales et utérines. Chez la souris, il a été démontré que la suppression de ces récepteurs abolit totalement les effets laxatifs et les contractions induites par l’huile de ricin, confirmant leur rôle clé. C'est pourquoi les femmes enceintes craignent parfois d'utiliser de l'huile de ricin, par peur de favoriser les fausses couches.

Certaines études mettent d'ailleurs en lumière les risques possibles. Une patiente de 39 ans, enceinte de 39 semaines, a ingéré 5 mL d’huile de ricin dans l’espoir de provoquer le travail. Elle a présenté rapidement des contractions utérines intenses, une rupture des membranes et a finalement nécessité une césarienne d’urgence car son col était fermé. Durant l’intervention, une rupture utérine de 2 cm a été découverte, nécessitant une réparation chirurgicale immédiate. Ce cas rappelle l'importance d'être vigilant quant à l'auto-médication.

Dans un contexte contrôlé médicalement, l'administration d'huile de ricin peut être intéressante pour provoquer un accouchement à terme. Une étude menée en aveugle avec 200 femmes enceintes a montré que l'administration d'une dose de 60 mL d'huile de ricin entre la 40ème et la 41ème semaine de grossesse réduisait significativement le risque de grossesse prolongée : seulement 17,1% des femmes du groupe interventionnel ont dépassé le terme, contre 41,5% dans le groupe contrôle. De plus, aucune complication maternelle ou néonatale n'a été rapportée. Il est toutefois important de souligner que ces résultats ont été obtenus en usage encadré et sous surveillance médicale rapprochée.

Ces effets de l'huile de ricin concernent uniquement son absorption orale. Lorsqu'elle est appliquée sur la peau ou les cheveux, elle reste à la surface, sans passage systémique. L'utilisation topique d'huile de ricin est tout à fait possible pendant la grossesse.

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